50. L’évasion de l’étendard du 2ème Régiment de Dragons

Un acte glorieux
 
Ramatuelle a été le théâtre d’un acte glorieux qui se déroula dans la plus pure tradition de l’honneur et du sacrifice de la cavalerie française. Les acteurs en sont les soldats du 2ème régiment de Dragons, l’un des plus anciens régiments de cavalerie dont le passé, vieux de trois siècles, est inscrit en lettres d’or sur son étendard. Toujours fidèle à ses anciennes traditions, ce régiment se distingua particulièrement en mai et juin 1940 au moment de l’offensive allemande.
 
L’ordre de dissolution du régiment est donné.
 
Quand les armées d’armistice furent dissoutes, le 2ème régiment de Dragons reçut à son tour l’ordre de dissolution. Dans la nuit triste et sombre du 29 au 30 novembre, les hommes, déjà en civil, sont réunis. En silence, ils attendent qu’on leur présente une dernière fois l’étendard de leur régiment et que leur chef leur adresse un dernier adieu.
 
L’étendard demeure leur signe de ralliement.
 
En fait, cet adieu sera un serment de se regrouper pour continuer à servir la patrie et l’étendard en sera le signe de ralliement. A partir de ce jour, les hommes disparaissent dans les bois et camouflent les armes du régiment. Leur chef, le colonel Schlesser, leur avait donné l’ordre de passer en Espagne pour rejoindre l’Afrique du Nord et y continuer le combat. Certains parviendront à traverser la frontière, d’autres seront arrêtés avant de la franchir, parmi ces derniers, quelques-uns réussiront encore à s’évader, mais les autres seront conduits vers les camps de concentration d’où beaucoup ne reviendront jamais.
 
Le capitaine de Neuchèze entre en scène.
 
Parmi ces valeureux soldats, le capitaine de Neuchèze, lui aussi arrêté et emprisonné en juin 1943, s’évade et rejoint Lyon pour servir dans la résistance en attendant une nouvelle occasion de regagner l’Afrique. Réfugié à Toulouse, il apprend que le colonel Schlesser, aidé par les services du colonel Paillole, reforme le régiment en Afrique et réclame son étendard. Décidé à accomplir cette mission, il se fait apporter l’étendard à Toulouse par d’anciens camarades. Dans l’étroite chambre qu’il occupait le capitaine Neuchèze défait le paquet dans lequel avait été enveloppé l’étendard, le déploie devant eux et leur dit "Regardez le bien ! Un jour prochain, vous le verrez flotter libre et victorieux".
 
L’évasion s’organise.
 
Avec l’aide du capitaine Vellaud, chargé par le colonel Paillole d’organiser son évasion, il rejoint Marseille, puis Ramatuelle. Dans la nuit du 28 septembre 1943, toujours accompagné du capitaine Vellaud, il arrive à la ferme Ottou où attendent également un groupe d’hommes en civil parmi lesquels les généraux Chouteau et Granier, le colonel Zeller. A 23 heures, sous la conduite d’Achille Ottou, le groupe se met en route à travers la forêt, dans les broussailles et les rochers, pour atteindre la côte près de la roche "Escudelier" devant laquelle "L’Aréthuse" devait faire surface. Après une heure d’attente dans le silence, le moment décisif arrive. Valise sur la tête, de l’eau jusqu’au genou, chaque "voyageur clandestin" atteint le petit canot qui les conduit jusqu’au sous-marin.
 
Déployé et libre.
 
Le matin du 1er octobre, l’Arethuse entre dans la rade d’Alger. Sur le pont étroit du sous-marin un groupe de marins en armes est aligné au "garde à vous", de Neuchèze déploie l’étendard qu’il avait porté, jusqu’à cet instant, enveloppé autour de son corps, sous ses vêtements… Le 2ème règiment de Dragons sera recréé par un décret du 18 décembre 1943. Il débarquera en Provence, le 30 août 1944 avec son étendard "déployé et libre" – comme l’avait prédit le capitaine de Neuchèze dans sa petite chambre de Toulouse – libérera Autun, participera à la libération de Belfort et de Mulhouse, traversera le Rhin et poursuivra son avance jusqu’au lac de Constance.